lundi 19 décembre 2011

L'union fait la force

Après quelques jours de recueillement, voir même de recul, voilà que je me sens prête à partager avec vous un évènement vécu la semaine passée.
Un évènement confrontant
mais combien touchant

Voilà qu’une réalité qui m’était à présent inconnue
 a surgit de plein fouet  au village
….


Tout d’abord, beaucoup de gens m’ont touché droit au cœur depuis mon arrivée sous le ciel de Mouda!
Mais j’ai particulièrement beaucoup d’attachement pour mon petit voisin Lakdé.

Lakdé  est présent à mes côtés depuis ma première journée au village. C’est ce petit bonhomme de 20 ans qui puise mon eau, qui répare mon vélo, qui passe beaucoup de temps avec moi et qui m’invite également à tous les dimanches soir à me joindre à sa petite famille pour le repas familial.
 Lakdé a 4 frères et trois sœurs, mais comme ses sœurs sont mariées et  n’habitent pas au village,  la famille est  toujours tellement enchantée par ma présence quotidienne à ses côtés.


Voilà qu’un bon matin, alors j’écoutais  ma meilleure musique, le cœur en paix, Lakdé vient me chercher, les larmes dans les yeux. Il me dit que son petit  papa ne va pas bien du tout.
 Il faut préciser que depuis 2 semaines, de drôles de symptômes avaient fait leur apparition dans le ventre du papa .

C’est sans perdre une minute que je me dirige vers la maison de Lakdé, sans savoir ce qui m’attendait.

Le petit papa était couché au sol, souffrant...  et refusait catégoriquement de suivre qui que ce soit en direction de l’hôpital  de Maroua.
 Ici, c’est très difficile pour l’orgueil  de laisser paraître la maladie. Également, la pauvreté fait en sorte que si la maladie frappe, la famille doit vendre le mil et les animaux pour payer les soins médicaux, ce qui cause l’extrême pauvreté et également la famine.
Les gens attendent donc d’être en grande souffrance avant d’aller se faire soigner. Et comme la maladie n’attend pas, elle continue de progresser et a déjà fait beaucoup de ravage lorsque le malade arrive à l’hôpital.

Ce matin-là, 25 membres de la famille sont présents autour du papa et tous tentent désespérément  de  convaincre celui-ci d’embarquer sur la moto en direction de l’hôpital.
C’est sans réfléchir qu’en voyant la scène,   je m’agenouille et  je prends la main du papa de Lakdé, sans dire un mot.

 Il a les yeux fermé, mais je peux voir une larme couler sur sa joue
Il fût difficile pour moi à ce moment précis de cacher mes émotions
J’ai tout fait également pour ne pas croiser le regard de Lakdé
 J’ai  parlé à mon voisin en lui tenant la main durant 35 minutes,
 sous tous ces petits yeux remplis d’inquiétude.

Cette scène restera gravée à jamais dans ma mémoire

Le papa n’a pas dit un son…mais  il a finalement décidé de s’asseoir afin qu’on l’amène à l’hôpital.
 On l’a lavé et on lui a mis des vêtements propres.
Lakdé et son grand frère Sali  sont donc partis avec leur papa, sur la moto, en direction de l’hôpital, au grand soulagement de tous les gens réunis chez la petite famille.

Ce matin-là, les gens m’ont beaucoup remercié…Je savais également que sans ma présence, la maladie aurait probablement emporté mon cher voisin.

J’ai délaissé mon travail dans les écoles afin d’accompagner la famille durant 2 journées entières à l’hôpital, car le papa acceptait de boire et de manger seulement si c’était moi qui lui demandais.

 Mais voilà que lundi matin, alors que les membres de la famille de reposaient à l’extérieur de la pièce, Dieu a décidé d’apaiser les souffrances du papa.
 C’est avec sa main dans la mienne qu’il est allé rejoindre les étoiles de l’Afrique.

Toute ma vie je me souviendrai du sentiment qui m’a envahi au moment de son décès
Mon cœur n’avait encore jamais ressenti de telles émotions



Lakdé est venu me rejoindre quelques instants après le décès de son papa. En constatant que celui-ci ne respirait plus, mon petit voisin s’est effondré, ce  qui a alerté les autres membres de la famille.
 Devant cette scène, je n’ai pu retenir mes larmes et mes tremblements.  


Lorsque mon regard a croisé celui de Sali , celui-ci me regarde et me dit;

‘’On va supporter. Dieu en a décidé ainsi. ‘’

C’est en essuyant mes larmes que je demande à Sali;

’Mais, tu ne pleures pas toi Sali? Tu supportes sans pleurer?
 Vous les africains, vous êtes forts…’’

‘’Mélanie, si je pleure, qui prendra soin de ma famille? Qui prendra les choses en main? Qui s’occupera de mon papa jusqu’à la mise en terre?
Crois-tu être assez forte pour faire comme moi?
 Crois-tu être assez forte pour retenir tes larmes jusqu’au village?
Crois-tu être assez forte pour  jouer le rôle  de l’homme aux côtés de Lakdé,
 afin de prendre soin de son cœur?

C’est sans hésiter que j’ai répondu par l’affirmative.
Je donnerais tout pour aider du mieux que possible ces petits anges d’Afrique…

Je suis revenue au village en moto avec un ami, alors que la famille nous suivait par derrière en voiture…accompagnée du corps du défunt.
Lakdé était aux côtés de son papa.

Avant même notre arrivée au village, la nouvelle avait déjà été propagée.
 J’avais peur  de voir la scène qui m’attendait .
 J’avais peur car 2 jours auparavant, la maladie a également fait mourir un jeune papa à Mouda.
Dieu a apaisé les souffrances de 2  de mes voisins…en 3 jours…
J’ai donc appris qu’ici, quand la mort frappe , toutes les femmes du village et  des villages voisins se réunissent en pleurant et en criant.
 C’est d’une manière désespérée  qu’elles demandent à  Dieu de les délivrer du mal et de les protéger du malheur.
  Les hommes doivent cependant être très forts.
On tente de retenir nos larmes, mais c’est parfois impossible.
Nous sommes solidaires…nous pleurons ensemble…et ce, pendant des jours.

C’est donc  la scène que j’ai vue, pour une 2ème fois en 3 jours, lors de notre arrivée à Mouda .
Comme je suis très proche de la famille, je n’ai eu d’autres choix que d’être présente aux côtés de cette petite famille, et ce , durant les jours qui ont suivis le décès.

Avant de descendre le corps de la voiture,
 Sali a parlé à tous les gens qui s’étaient réunis autour de la petite maison de paille…
Sans les avoir tous compté, je peux les estimer au nombre de 100 …
C’était tellement beau à voir…

 ‘’Mes frères, mes sœurs…Dieu a décidé d’apaiser les souffrances de notre père. 
Mon père a fait son temps sur la terre. Il s’excuse de ne pas avoir eu le temps de vous dire au revoir.  Cependant, il nous voit présentement et il n’a pas envie de nous voir crier ou pleurer. Nous allons tous mourir.
C’est le destin.
On doit être forts et se supporter à travers cette épreuve.  ‘’


Sali était d’un calme déconcertant….pendant que Lakdé était en grande souffrance.
 Voir mon petit Lakdé inconsolable m’arrachait le cœur
 Je ne savais où me placer
….
Je ne savais comment agir

J’ai su comment agir quand Sali est venu me voir pour me demander de prendre des photos de tous les gens réunis autour des feux….des photos également de son petit papa couché dans son lit, bien habillé et parfumé. 
 C’est aux sons des louanges chantés par tous les gens réunis que j’ai également assisté Sali lorsque celui-ci a cloué le cercueil, pour ensuite procéder à la mise en terre, où seuls les hommes participent, pendant que les femmes restent auprès de la veuve.

C’est devant une centaine de personnes réunis ensemble, autour des feux, que j’essuyais mes larmes . Les gens me connaissent maintenant…Il n’y a plus aucune frontière entre eux et moi…
Pleurer devant eux est comme si je pleurais devant ma propre famille.

Beaucoup d’émotions difficilement gérables dans mon petit cœur
Au Québec, c’est souvent à la morgue que ce déroulent la plupart des scènes auxquelles j’ai participé ici.
En Afrique, la mort n’effraie pas les gens…Elle fait partie de la vie.
On garde également le corps  du défunt quelques heures à la maison le temps de se recueillir.

C’était si émouvant de constater à quel point l’union fait la force
La solidarité, l’entraide et l’amour sont des valeurs omniprésentes dans le cœur du peuple Africain.


Après 5 jours de deuil, les gens étaient toujours présents autour des feux…sous la lumière du jour comme sous les étoiles.
 Ils demeurent toute la nuit à l’extérieur, à prier et à chanter des chants religieux afin d’apaiser les souffrances de la famille.

 C’est ainsi que j’ai passé les dernières nuits
Couchée au sol, réchauffée par le feu
 Main dans la main avec , une nuit Lakdé
 L’autre nuit, sa petite maman
..

Nous avons célébré les funérailles mercredi au village.
 Durant les funérailles, personne ne pleure.
On doit clôturer le tout en beauté.
Afin de bien nourrir tous les gens réunis, mes voisins ont égorgé beaucoup de chèvres et de moutons.
 Les femmes ont également préparées beaucoup de vin de mil,
au plus grand bonheur de tous ;-)

Cette journée fût donc remplie de belles discussions, de belles rencontres et de fous rires .


J’ai fais développer les photos de l’évènement…que nous avons placé à l’entrée de la petite maison de paille… en guise de lieu de recueillement.

Alors qu’au Québec, on doit rejoindre le travail après 3 jours de deuil,  ici, le travail sait attendre, et ce, malgré le fait que tout le monde sait que les récoltes risquent de se perdre si elles ne sont pas cultivées. 

On prend soin du cœur de l’être humain avant tout.
….

L’Afrique m’apprend beaucoup
L’être humain mérite qu’on prenne le temps de le connaître…de l’apprivoiser…doucement…sans jugement…et ce, que  la couleur de sa peau soit noire ou blanche.
Ce qui nous différencie, ce sont nos différences culturelles, auxquelles chacun d’entre nous est très bien capable de s’adapter. 
 Personne n’a choisi le ciel sous lequel nous sommes nés.

Mais chacun d’entre nous est né avec un cœur rempli d’amour
Ces petits anges me démontrent bien à quel point l’amour peut rendre vivant
….
À quel point l’amour donne un sens à la vie


En cette période de noel et à la veille de la nouvelle année 2012, je vous souhaite de vivre des scènes semblables aux scènes qui se déroulent sous les étoiles de Mouda.

Nous avons tous autour de nous  des gens qui nous sont chers , qu’on parle de nos enfants, de notre famille ou de nos amis.
Peut importe  notre statut, peut importe nos  moyens financiers, peut importe l’état de notre santé, peut importe notre culture,
 l’amour  donne un sens à la vie.

C’est avec tout l’amour que je reçois ici en cadeau que je vous transmet mes meilleurs vœux en cette période du temps des fêtes.
 Prenez soin de vous
et de ceux qui vous entourent
...
 Je vous aime très fort.

-We Are Together-
Mel
-xoxox-


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